Dès septembre 1940, les autorités mettent en place des mesures répressives pour dissuader la population de toute action contre l’occupant allemand.
Toute personne considérée comme dangereuse – communiste, gaulliste, socialiste, syndicaliste ou même sans parti – peut être internée sans aucun jugement ni limite de temps. Une véritable traque s’organise.

Ce sont les préfectures qui, au titre de la police administrative, assurent la surveillance des partis politiques et exercent un contrôle ou des sanctions.

À Bordeaux, la « brigade Poinsot* » est particulièrement active dans la répression de la Résistance. Le 22 novembre 1940 se déroule la première opération de ce type, menée par la préfecture de la Gironde : 148 personnes suspectées d’actions de propagande communiste sont internées au CSS provisoire de Bacalan. Le camp de Mérignac accueille les internés politiques à partir de mars 1941.

* du nom du commissaire Pierre Poinsot, chef de la section des Affaires politiques, qui la commande.
Baraquements des politiques « dangereux », décembre 1941. Photographie N et B, Studio Rolland Lhorme, Bordeaux. Archives départementales de la Gironde, 103 W 4.
Baraquements des politiques « dangereux », décembre 1941.
Photographie N et B, Studio Rolland Lhorme, Bordeaux.
Archives départementales de la Gironde, 103 W 4.

La chasse aux communistes

Durant l’entre-deux-guerres, le Parti Communiste Français (PCF) est la formation politique la plus surveillée. Ses militants font l’objet d’un recensement par les services des Renseignements Généraux.

Le pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939 est soutenu par le PCF, favorable à la politique étrangère soviétique, ce qui le conduit à des prises de positions ambiguës. Alors que le gouvernement Daladier l’interdit le 26 septembre 1939, ses membres sont traqués par le gouvernement de Vichy, à partir de l’été 1940.

Avec l’invasion de l’URSS par l’Allemagne, en juin 1941, le PCF bascule dans la résistance : sabotages, espionnage, attentats, publications clandestines.

Classification des internés du centre de séjour surveillé de Bordeaux, [1941]. Archives départementales de la Gironde, 103 W 3.
Classification des internés du centre de séjour surveillé de Bordeaux, [1941].
Archives départementales de la Gironde, 103 W 3.
Un groupe de femmes transférées du camp de Voves (Eure-et-Loir), [vers 1943].Photographie N et B, auteur inconnu. Archives départementales de la Gironde. Fonds Georges-Durou, 142 J 77.
Un groupe de femmes transférées du camp de Voves (Eure-et-Loir), [vers 1943].
Photographie N et B, auteur inconnu.
Archives départementales de la Gironde. Fonds Georges-Durou, 142 J 77.
Georges Durou près des barbelés qui entourent la baraque des otages, septembre 1941.Photographie N et B, auteur inconnu. Archives départementales de la Gironde. Fonds Georges-Durou, 142 J 77.
Georges Durou près des barbelés qui entourent la baraque des otages, septembre 1941.
Photographie N et B, auteur inconnu.
Archives départementales de la Gironde. Fonds Georges-Durou, 142 J 77.

 

Georges Durou a 16 ans lorsqu’il est arrêté, en février 1940, pour distribution de tracts communistes. Il est emprisonné au fort du Hâ et à Bacalan, puis interné à Mérignac, d’où il tente de s’évader. Le 20 janvier 1943, il est déporté en Allemagne au camp de Sachsenhausen.

En 2018, il fait don aux Archives départementales de la Gironde de ses archives, dont des photographies du camp de Mérignac. Elles viennent compléter les documents administratifs produits par les services de l’État.

Répression et politique des otages

À partir de 1941, la répression se durcit. Les autorités allemandes décident d’exécuter des otages par représailles d’attentats commis contre des soldats allemands. Cette « politique des otages » est particulièrement meurtrière entre 1941 et 1942.

Le camp de Souge, situé sur les communes de Martignas-sur-Jalle et Saint-Médard-en-Jalles, symbole de cette répression, est surnommé le « Mont-Valérien du Bordelais ».

Occupé par l’armée allemande en 1940, deux « enceintes de fusillade » y sont installées, servant à l’exécution des condamnés et des otages.

Vue du dortoir n°6, [1941-1942]. Photographie, auteur inconnu. Archives départementales de la Gironde. Fonds Georges-Durou, 142 J 77.
Vue du dortoir n°6, [1941-1942].
Photographie, auteur inconnu.
Archives départementales de la Gironde. Fonds Georges-Durou, 142 J 77.

Ici logent les internés considérés comme les plus dangereux en raison de leur militantisme ou de tentatives d’évasion. Ils sont soumis à des règles de vie plus strictes.

Le 21 octobre 1941, l’officier allemand Reimers est abattu à Bordeaux. Les Allemands arrêtent 50 otages, d’après une liste établie par les services de police français et recensant communistes et non-communistes. Trente-cinq d’entre eux sont internés au camp de Mérignac. Ils sont exécutés au camp de Souge quelques jours plus tard, le 24 octobre.

Lettre du 19 novembre 1941 de la préfecture la Gironde au maire de Mérignac, l’informant qu’Armand Gayral fait partie des otages fusillés le 24 octobre 1941. Archives communales de Mérignac, 4 H 18.
Lettre du 19 novembre 1941 de la préfecture la Gironde au maire de Mérignac, l’informant qu’Armand Gayral fait partie des otages fusillés le 24 octobre 1941.
Archives communales de Mérignac, 4 H 18.

Armand Gayral, habitant Mérignac, est conducteur de tramways aux TEOB (Tramways et omnibus de Bordeaux). Militant communiste, il est arrêté le 22 novembre 1940 et fusillé le 24 octobre 1941. Il a donné son nom à une rue du quartier de La Glacière.

Le 21 septembre 1942, il est décidé de fusiller des otages, dont 70 au camp de Souge, par représailles d’attentats commis à Paris. Parmi les fusillés, il y de nombreux employés de la SNCASO, entreprise aéronautique de Mérignac, dont Gérard Blot et Gabriel Dupuy. Deux rues de la ville portent aujourd’hui leurs noms.

Entre 1941 et 1944, 256 personnes sont fusillées au camp de Souge après avoir été, pour nombre d’entre elles, internées au camp de Mérignac ou incarcérées au fort du Hâ à Bordeaux.

Liste des otages fusillés le 21 septembre 1942 au camp de Souge, s.d. Archives départementales de la Gironde. Fonds Georges-Durou, 142 J 40.
Liste des otages fusillés le 21 septembre 1942 au camp de Souge, s.d.
Archives départementales de la Gironde. Fonds Georges-Durou, 142 J 40.

« […] Puis tout le monde fut transféré à Mérignac. Là, tous les dimanches, nous partions le voir. Je me souviens : un grand portail, une guérite, une grande cour, des baraquements et là, papa et ses « copains ». Puis, un jour, un officier allemand a été tué, On a pris cinquante otages à Mérignac. On les a fusillés le 24 octobre 1941. Parmi eux, il y avait mon père. […] »

Témoignage anonyme d’un enfant de fusillé, s.d.
Association du Souvenir des Fusillés de Souge.

 

Georges Bonnac, le résistant

Georges Bonnac est à l’origine du premier groupe de Résistance de Bordeaux et devient l’un des principaux chefs du mouvement dans le Sud-Ouest.
Domicilié à Arlac, il s’installe provisoirement à Saint-Augustin pour se rapprocher de ses contacts et de la mairie de Bordeaux où il travaille.

Arrêté en mai 1944, il est déporté par le « train fantôme », qui met deux mois à rejoindre l’Allemagne. Il décède en janvier 1945, à Melk (Autriche), annexe du camp de Mauthausen.

Une place de Mérignac porte son nom, à proximité du lieu de son arrestation.