Témoignages et correspondances
Correspondances
« Chère Jeanne, c’est pour la dernière fois que je t’écris car nous quittons le camp pour une destination inconnue. Chère Jeanne à partir de maintenant je te confie mon enfant. Prends-en bien soin comme s’il était à toi. Moi je n’ai pas beaucoup d’espoir de le revoir. Surtout ne pleure pas, sois courageuse. Tu as un enfant à élever ma pauvre nénette. Je ne sais pas quoi te dire, mes yeux sont pleins de larmes et si mon enfant embrasse la carte il pourra boire les larmes de sa mère. Tâche de rejoindre Félix et Armand et restez ensemble tous avec Jean. J’ai écrit à Albert, et j’espère que lui on ne le touchera pas. Chère Jeanne ici tout le monde est bien triste mais moi je me console en pensant que mon petit est avec toi, et je suis sûre que tu t’occuperas aussi de Armand et Monique mets-les en classe, et parle-leur de leurs deux malheureuses mères, qui si jeunes souffrent déjà un martyr. Je termine la dernière carte que je peux encore t’écrire en t’embrassant un million de fois ainsi que mon trésor. […] et Hélène se joignent à moi. Berthe ».
Mémorial de la Shoah, Paris (France). Collection Fajga Saget, CMLXXXVI(3)-11.
« J’ai été arrêtée comme juive russe le 15 juillet 1942. J’avais 27 ans. Les scènes de déchirement qui se sont déroulées le soir de mon arrestation entre ma mère qui hurlait et mon bébé de 3 ans et demi qui s’accrochait désespérément à mes jupons, arrachant des larmes véritables aux inspecteurs français… ce fut le prélude de mes souffrances. Quand je dis souffrances, je veux exprimer les symboles de toutes les souffrances juives, car je n’ai pas souffert seule : des millions d’êtres humains ont souffert de ces mêmes souffrances, hélas… »
Témoignage d’une jeune femme russe anonyme arrêtée le 15 juillet 1942 à Bordeaux, s.d.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CII-112.
« Pour la fin de nos misères qui ne peuvent durer éternellement, le soleil brillant pour tout le monde répendra encore sa lumière pour nous aussi un jour car tout a une fin je l’espère ici-bas ».
Correspondance de Mercada Crespi, 10 novembre 1942.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(2)-5.
« J’ai hâte d’être vieille de deux jours pour être fixée,
à moins qu’on nous expédie avant ».
Correspondance de Réjane Algranti, s.d.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(44)-16.
« Nous avons quitté la prison de Bordeaux pour le camp où nous sommes maintenant très confortables ».
Correspondance de Pierre Nordmann, 9 janvier 1943.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(29)-4.
« Il y a plus de 15 jours que je n’ai rien reçu
ce qui fait que je suis dans l’isolement le plus complet ».
Correspondance de Gaston Kahn, 10 août 1942.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(6)-16.
« Camp d’internement, Beaudésert à Mérignac (Gironde) le 21/12/42.
Ma chère grande fille, je me trouve depuis hier ici, par ordre des autorités occupantes, en bonne santé et bon courage, et j’ai besoin d’un colis alimentaire : du pain, viande, graisse, fromage et de quoi faire surtout une couverture, surtout la nuit. Je resterai ici jusqu’à nouvel ordre. Je possède ici ma valise avec ma lingerie, vêtements + chaussures, pour change. Mais il me faudra six cents francs en espèces, tu peux me l’envoyer par mandat–poste tout de suite. Parce qu’avant de partir de la Bastide, pour ici, on m’a réquisitionné tout l’argent que j’ai possédé sur moi. Autrement ça va bien ici. Répondez-moi par carte interzone immédiatement. As-tu reçu mes colis ?
En attendant je t’embrasse bien fort ainsi que Annette. Ton papa Édouard ».
Mémorial de la Shoah. Collection Rachel Hebenstreit, CMLXXXVI(13)-4.
« Hier soir, j’ai été avisé d’avoir à faire mes valises et pour une destination inconnue […]. N’aie pas d’inquiétude, je sais que je pars vers Paris […] ».
Correspondance de Robert Goldenberg écrite en gare de Bordeaux, 8 juillet 1942.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), tap46.
« De loin je vois [Jean] se promener au bon soleil qu’il fait actuellement avec des compagnons de misère. Il y en a de tout genre toute race toute nationalité tout âge ».
Correspondance de Fanny Lippmann, 25 janvier 1943.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(66)-8.
« C’est merveilleux ce que l’homme peut s’adapter. Vous ne savez pas ce que nous pouvons savourer les moindres joies ».
Correspondance de Pierre Nordmann, 21 janvier 1943.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(29)-4.
« La cause de mon internement, sur simple dénonciation par un mauvais voisin ».
Correspondance d’Édouard Dambrot à sa fille Rachel, 3 janvier 1943.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), Collection Rachel Hebenstreit, CMLXXXVI(13)-4.
« Je t’envoie l’alliance et la pendulette car là-bas rien de tout cela n’est permis ».
Liste rédigée par Réjane Algranti avant son départ vers Drancy, s.d.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(44)-16.
« Je pars, peut-être pour toujours, mais j’ai foi en Dieu et je crois qu’il me permettra de revoir un jour mes chers… »
Correspondance de Victor Steinberg, 22 octobre [1942].
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXV(6)_6.
« Mes grands et petits adorés […]. Je ne veux pas vous attrister davantage
par cette lettre. Cependant, je pars demain, tout mon espoir
est déçu et mon cœur est meurtri ».
Correspondance de Réjane Algranti, s.d.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(44)-16.
« J’ai la tête dans un étau. Je sais que je vous laisserai du chagrin comme j’ai moi-même. Mais pourvu qu’on se retrouve dans de jours meilleurs.
Soignez-vous bien les uns les autres… »