L’internement par mesure administrative des Juifs étrangers est autorisé dès le 4 octobre 1940. De leur côté, les Juifs français sont tenus de se faire recenser, puis sont internés à partir de juin 1941.
L’année 1942 marque le début de la mise en œuvre de la solution finale en Europe, l’extermination systématique des Juifs. Le gouvernement de Vichy bascule dans une politique de collaboration absolue, au service des intérêts et demandes de l’occupant. Les Juifs sont contraints de porter l’étoile jaune en zone occupée (7 juin 1942), mesure à l’origine des premières arrestations massives au cours de l’été 1942.
Les 15 et 16 juillet 1942, une rafle des Juifs est orchestrée à Bordeaux par la préfecture de la Gironde, dirigée par Maurice Papon. Elle précède de quelques heures la rafle du Vél’ d’Hiv’ à Paris. De très nombreuses arrestations sont réalisées par les autorités françaises. À Bordeaux, les Juifs arrêtés sont dirigés vers le camp de Mérignac dans l’attente de leur transfert au camp de Drancy, en train depuis la gare de Bordeaux Saint-Jean.
Comme d’autres camps, Beaudésert devient le point de départ de la déportation systématique des Juifs. Il sert de camp de transit essentiellement pour ceux raflés dans la région bordelaise, avant leur transfert en direction du camp de Drancy, devenu l’antichambre d’Auschwitz.
Jusqu’en mai 1944, d’autres rafles sont organisées. 75 568 Juifs sont déportés par convois depuis la France. Dix partent de Bordeaux vers Drancy transportant 1 585 victimes : hommes, femmes et enfants.
Du 18 au 20 octobre 1940, le recensement des Juifs de Bordeaux et son agglomération est réalisé. Plusieurs familles de Mérignac sont identifiées. Ce fichier servira à dresser les listes de personnes à arrêter, entre 1942 et 1944.
Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1944, 228 Juifs sont arrêtés lors de la rafle menée en Gironde. Parmi eux, les membres des familles Lopès et Torrès, habitants de Mérignac. Emprisonnés à la synagogue de Bordeaux, ils sont rapidement transférés à Drancy. Ils intègrent le « convoi 66 » qui part de la gare de Paris-Bobigny le 20 janvier 1944 avec, à son bord, 1 153 déportés, majoritairement français, provenant de plus de 50 départements.
Le convoi 66 entre à Auschwitz dans la nuit du 22 au 23 janvier 1944.
Arrêté lors de la rafle des 15 et 16 juillet 1942, il est interné à Mérignac avec son épouse. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi du 19 juillet 1942 ; Aaron Cyrulnik partira le 7 décembre 1943. Tous deux ne survivront pas à la déportation.
Leur fils, Boris Cyrulnik, 6 ans, confié à une institutrice est raflé le 10 janvier 1944 et enfermé à la synagogue de Bordeaux, d’où il réussit à s’enfuir. Caché jusqu’à la fin de la guerre, il devient psychiatre et développe le concept de résilience, renaître de sa souffrance.
Médecin à Bordeaux dans le quartier de Bacalan, il est arrêté en juin 1942 et interné pendant 17 mois au camp de Mérignac. Transféré à Drancy, il est déporté à Auschwitz par le convoi n° 64, le 7 décembre 1943. Il meurt à Dachau le 25 février 1945.
Pendant la guerre, son épouse et ses neuf enfants vivent à Mérignac.
À partir des années 1970, le rôle de l’administration française sous l’Occupation est réévalué. « L’affaire Papon » éclate le 6 mai 1981, entre les deux tours de l’élection présidentielle. La responsabilité de la préfecture de la Gironde et de Maurice Papon, son secrétaire général de 1942 à 1944, est mise au premier plan par la presse.
Fortement médiatisé, le procès de Maurice Papon se tient devant la Cour d’Assises de Bordeaux. Son instruction se fonde sur les recherches réalisées par les magistrats aux Archives de la Gironde. 1135 documents d’archives, constituant des preuves matérielles, sont saisis par la Justice.
Le 2 avril 1998, l’ancien fonctionnaire de Vichy est condamné à 10 ans de réclusion pour complicité de crimes contre l’humanité, pour son rôle dans la déportation des Juifs de la région bordelaise. Son supérieur hiérarchique, Maurice Sabatier*, préfet de Région de
1942 à 1944, est lui aussi inculpé.
Par arrêté du 28 mars 2022, les ministères de la Justice et de la Culture autorisent de façon anticipée l’accès aux archives des procès de Maurice Papon afin de lutter contre le révisionnisme et l’oubli.