Derrière les barbelés, le quotidien des internés est rude. Installations précaires, alimentation rationnée, hygiène rudimentaire, relations extérieures restreintes rendent l’enfermement d’autant plus difficile à supporter.

Femmes et hommes occupent des baraquements construits en simples planches sur des soubassements en ciment. L’hiver, la température intérieure y est glaciale, malgré l’installation de poêles. Le ravitaillement en combustible est difficile.

Camp de Mérignac Beaudésert, [1941]. Estampe, Sonia Steinsapir, dessinatrice. Droits réservés. Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), 1980.82.11. Photo RMN-Grand Palais (MuCEM), Gérard Blot.
Camp de Mérignac Beaudésert, [1941].
Estampe, Sonia Steinsapir, dessinatrice.
Droits réservés. Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), 1980.82.11. Photo RMN-Grand Palais (MuCEM), Gérard Blot.

S’alimenter : une préoccupation constante

Dans un contexte de restrictions et de sous-alimentation, le ravitaillement est au cœur des préoccupations du personnel et des internés.

Les denrées alimentaires soumises au rationnement sont distribuées selon les mêmes conditions que pour l’ensemble de la population : les rations dépendent des catégories d’âge. Les cartes d’alimentation, confisquées à l’arrivée des internés, sont gérées par le personnel du camp.

Nouvelles cuisines et magasin à vivres, décembre 1943. Photographie N et B, auteur inconnu. Archives départementales de la Gironde, 103 W 6.
Nouvelles cuisines et magasin à vivres, décembre 1943.
Photographie N et B, auteur inconnu.
Archives départementales de la Gironde, 103 W 6.

Pain et pommes de terre sont les aliments de base. Les légumes (du chou essentiellement) sont cuisinés en soupe. Il n’y a quasiment pas de viande au menu, tandis que le poisson y figure parfois, en conserve.

Pour s’approvisionner en légumes, le gestionnaire doit se fournir aux Halles centrales de Bordeaux, aux Capucins. Il lui est interdit d’en acheter directement aux producteurs voisins du camp. Pour les autres denrées, il peut solliciter les commerçants mérignacais.

État des dépenses liées à l’alimentation, 31 décembre 1941. Archives départementales de la Gironde, 103 W 8.
État des dépenses liées à l’alimentation, 31 décembre 1941.
Archives départementales de la Gironde, 103 W 8.

Des conditions sanitaires sommaires

Dans ses rapports, le directeur fait état de conditions sanitaires satisfaisantes. La réalité est tout autre : le manque d’hygiène et la sous-alimentation ont des conséquences sur la santé des internés.

Une infirmerie est créée en janvier 1942, avec une salle d’attente, une salle de pansement et un dortoir. Les maladies bénignes y sont soignées par une infirmière diplômée. En cas d’urgence, médecin et dentiste peuvent intervenir. L’hospitalisation s’avère parfois nécessaire, et peut occasionner un report de déportation ou une évasion.

Éviter les épidémies et lutter contre les parasites sont des priorités. L’épouillage est systématique à l’arrivée au camp, dans un baraquement dédié à partir du printemps 1943.

Infirmerie, décembre 1941. Photographie N et B, Studio Rolland Lhorme, Bordeaux. Archives départementales de la Gironde, 103 W 4.
Infirmerie, décembre 1941.
Photographie N et B, Studio Rolland Lhorme, Bordeaux.
Archives départementales de la Gironde, 103 W 4.

Chaque jour, les internés ont l’obligation de procéder à leur toilette, de faire les lits, de balayer le plancher et ranger les dortoirs. Le camp ne sera équipé de douches qu’en juin 1942, et d’eau chaude à partir d’avril 1943.

Douches et magasins à bois, décembre 1943. Photographie N et B, auteur inconnu. Archives départementales de la Gironde, 103 W 6.
Douches et magasins à bois, décembre 1943.
Photographie N et B, auteur inconnu.
Archives départementales de la Gironde, 103 W 6.

Des liens avec l’extérieur sous surveillance

Visites, correspondances et colis rythment la vie dans l’enceinte du camp. Des instructions régentent ces contacts et un service de censure contrôle la correspondance. Certains parviennent à y échapper.

Les colis reçus permettent aux internés de subsister. Ils contiennent les produits de base : nourriture, tabac, vêtements et objets du quotidien. Le règlement relatif à ces envois est strict : pas plus d’un, puis de deux par semaine, dans la limite de 10 kilos mensuels. Les colis sont fouillés avant d’être remis, et partagés avec ceux qui n’en reçoivent pas. Leur suspension, comme celle des visites, constitue une sanction possible.

 

« Les lettres que je t’envoie sans censure, je les donne à des personnes qui sortent du camp. »

Lettre de David Neponiatzi, 28 décembre 1942.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), DLXXIV1(31).
Tampon de censure extrait d’une correspondance. Mémorial de la Shoah, Paris (France), DLXXIV1(31).
Tampon de censure extrait d’une correspondance.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), DLXXIV1(31).

« Malgré tout le chagrin que nous avons, il nous faut un peu manger si nous voulons tenir nous essayons de nous remonter le moral l’un et l’autre quand dans la journée nous arrivons à nous voir. »

Lettre de Mercada ou Marguerite Crespi, 29 octobre 1942.
Mémorial de la Shoah, Paris (France), CMLXXXVI(2)-5.

 

L’état d’esprit des internés

Note relative à l’état d’esprit des internés, 7 avril 1944. Archives départementales de la Gironde, 103 W 6.
Note relative à l’état d’esprit des internés, 7 avril 1944.
Archives départementales de la Gironde, 103 W 6.

D’après le directeur, les internés font preuve de bonne volonté et respectent les consignes. La vie au grand air et au travail est encouragée pour entretenir leur moral. Malgré une discipline stricte, certains refusent les corvées ou continuent de militer, s’attirant des sanctions.

Inscriptions faites au crayon sur les parois en planches d’un WC, [10 mai 1941]. Archives départementales de la Gironde, 103 W 8.
Inscriptions faites au crayon sur les parois en planches d’un WC, [10 mai 1941].
Archives départementales de la Gironde, 103 W 8.

Après enquête et comparaison des écritures, un employé de la SNCF est suspecté d’en être l’auteur.